Brassicaceae :

Moricandia arvensis (L.) DC.

= Moricandia arvensis L. [APD]

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Détermination

Je regroupe dans cette page avec Moricandia arvensis les plantes habituellement nommées Moricandia suffruticosa ou Moricandia arvensis var. garamantum car je pense qu'il s'agit d'une espèce unique très variable.

Moricandia arvensis
Moricandia arvensis var. garamantum
Moricandia suffruticosa

Moricandia arvensis

Cette espèce a été décrite par Linné sous le nom de Brassica arvensis puis renommée par De Candolle en Moricandia arvensis.

Brassica arvensis in Linnaeus, 1767 - Mantissa plantarum
Moricandia arvensis in De Candolle, 1821 - Regni vegetabilis systema naturale 2

La morphologie précise de ce taxon est connue par son type dans l'herbier de Linné et par de nombreuses illustrations. Comme le note Linné, les feuilles sont "cordatis, amplexicaulibus" = en coeur à la base, entourant la tige.

Brassica arvensis type LINN-hl844.6
Moricandia arvensis - Reichenbach, H.G.L., Iconographia botanica seu plantae criticae (1823-1832)
Moricandia arvensis - Sweet, R., British flower garden (1823-1837)
Moricandia arvensis - Curtis, W., Botanical Magazine (1800-1948)

Moricandia suffruticosa

Cette espèce a été décrite par Desfontaines sous le nom de Brassica suffruticosa puis renommée par De Candolle en Moricandia arvensis var. suffruticosa.

Brassica suffruticosa in Desfontaines, 1798 - Flora atlantica - Tome 2
Moricandia arvensis in De Candolle, 1821 - Regni vegetabilis systema naturale 2

La diagnose de Desfontaines précise "Differt a B. arvensi Lin., cui affinis ; caule fruticuloso ; foliis petiolatis, basi attenuatis" = elle se différentie du B. arvensis de Linné, dont elle est proche, par sa tige frutescente et par ses feuilles pétiolées, atténuées à la base.

Comparaisons

A ce stade on pourrait penser avoir affaire à deux espèces facilement discernables :

  M. arvensis M. suffruticosa
vie annuelle vivace
feuilles auriculées pétiolée
siliques bisériées unisériées

Les clefs de la Flore d'Algérie, de la Flore du sahara et de la Flore pratique du Maroc, sans être aussi schématiques, ont de fait été interprétées comme cela.

Moricandia arvenis & suffruticosa - Ozenda - Flore du Sahara

Sur le terrain, la réalité est beaucoup moins simple :

Cosson (1882) indique par exemple pour les siliques de arvensis :"seminibus biseriatis vel subbiseriatis, rarius uniseriatis" = les graines sont bisériées ou presque bisériées, rarement unisériées et pour celles de suffruticosa : "seminibus uniseriatis, rarius subbiseriatis" =les graines sont unisériées, rarement bisériées.

Hochreutiner (1904) note que Moricandia var. suffruticosa "offre tant de termes de passage vers le M. arvensis que l'on ne saurait la regarder comme une espèce particulière ... Nous ne parlons pas des graines uni ou bisériées dans chaque loge, car ce caractère nous a paru inutile à mentionner a cause de son inconstance."

2019/03/18 - Kadoussa (gps : 32.1513,-3.7965 - altitude : 1121m)
Un rameau de Moricandia présentant des feuilles entières, d'autres dentées, des feuilles pétiolées, d'autres auriculées.
2019/04/06 - Kadoussa (gps : 32.1513,-3.7965 - altitude : 1121m)
Une silique dont certains tronçons sont bisériées et d'autres unisériés.

Si les critères portant sur les feuilles et les siliques sont inconstants, le critère opposant annuelle et vivace l'est tout autant.

Moricandia arvensis var. garamantum in Maire R., 1933 - Mission du Hoggar II
Maire avait visité le Hoggar après des pluies exceptionnelles et il l'a trouvé couvert de tapis de Moricandia qui venaient de pousser.
Il décrit alors sa var. garamantum comme 'radix semper annua' = racine toujours annuelle.
2022/10/05 - Hoggar
Nous avons visité le Hoggar en année très sèche. Il n'y avait que de rares pieds de Moricandia qui avaient survécu depuis une pluie ancienne sous la forme de pieds vivaces !

En fait on peut considérer que Moricandia arvensis est une plante dont le patrimoine génétique lui permet de s'adapter à des conditions stationnelles variables :


Répartition au Sahara

Moricandia arvensis occupe une grande diversité de milieux ; les photos ci-dessous ont été prises dans le Sud du Haut-Atlas et dans le Nord du Sahara :

2018/06/04 - Agoudim (gps : 32.1644,-4.93984 - altitude : 2087m)
2016/05/09 - Outerbate-Rich
2018/03/19 - Tazougart (gps : 32.0564,-3.77362 - altitude : 1044m)
2021/03/11 - Bouanane-nouveaux-jardins (gps : 31.9966, -3.1736 - altitude : 852m)
2015/03/03 - Fask (gps : 28.9438,-9.77829 - altitude : 356m)
2017/03/09 - Merzouga-Boudnib (gps : 31.4146,-3.75379 - altitude : 897m)
2019/10/20 - Jorf (gps : 31.4627,-4.3651 - altitude : 803m)
2018/05/23 - Boudnib (gps : 31.9325,-3.65502 - altitude : 966m)

Tiges / Feuilles

2017/04/19 - Bouchaouene (gps : 32.6543,-3.00056 - altitude : 1179m)
Feuilles atténuées en coin
2018/03/19 - Tazougart (gps : 32.0564,-3.77362 - altitude : 1044m)
Feuilles auriculées

Boutons / Fleurs

2016/10/07 - Ain Chouater (gps : 31.8415,-3.25286 - altitude : 856m)
2019/04/04 - Boudnib Jardins (gps : 31.9480,-3.5876 - altitude : 945m)

Fruits / Graines

2019/04/08 - Tazougart Takoumit (gps : 32.0887,-3.7722 - altitude : 1096m)
Une seule rangée de graines
2020/04/13 - Boudnib Jardins (gps : 31.9480,-3.5876 - altitude : 945m)
Deux rangées de graines
2015/01/06 - Figuig-Boudnib
Sur le même rameau on peut trouver des siliques à une ou à deux rangées de graines.
2019/02/04 - Tazougart (gps : 32.0735,-3.7835 - altitude : 1080m)

Références botaniques

Deux conceptions s'opposent :

1) Pour Maire il y aurait en Afrique du Nord une seule espèce Moricandia arvensis comportant une série de sous-espèces et de variétés dont, pour le Sahara :
Moricandia arvensis (L.) DC. subsp. arvensis
Moricandia arvensis var. garamantum Maire
Moricandia arvensis subsp. spinosa (Pomel) Batt.
Moricandia arvensis subsp. suffruticosa (Desf.) Maire

2) Les botanistes espagnols ont étudié ce genre et décrit pour la péninsule ibérique de nouvelles espèces endémiques, Moricandia moricandioides et M. foetida. Dans leurs études basées non seulement sur la morphologie mais aussi sur la caryologie et la génétique ils ont intégré un petit nombre d'accessions de Moricandia nord-africaines et ont élevé les sous-espèces de Maire au rang d'espèces. Ils ont été suivis par tous les référentiels actuels : les espèces aujourd'hui reconnues pour le Sahara sont Moricandia arvensis subsp. arvensis, M. arvensis var. garamantum, M. suffruticosa et M. spinosa (plus en zone méditerranéenne M. nitens et M. sinaica).

Aucune de ces deux conceptions ne me semble entièrement satisfaisante. Moricandia arvensis et Moricandia suffruticosa ont, en Afrique du Nord, des répartitions qui se chevauchent ; sur le plan morphologique les plantes qui répondent à leur stricte description sont rares ; on trouve au contraire majoritairement des plantes intermédiaires ; selon moi il s'agit donc d'un taxon unique avec une grande plasticité phénotypique. Alors que les analyses caryologiques attribuent 2n=28 chromosomes à Moricandia arvensis, une analyse caryologique a attribué 2n=56 à une accession de M. suffruticosa ; cette accession est-elle représentative ? Il faudrait un plus grand nombre de mesures pour s'en assurer.

Moricandia spinosa est une endémique du Sahara central algérien. Une analyse caryologique lui attribue 2n=96 chromosomes ; ce taxon pourrait être un hybride polyploïde fixé. Je ne connais pas ce taxon in vivo ; toutes les planches d'herbier que j'ai pu voir proviennent de plantes qui avaient été broutées. La morphologie de ce taxon (rameaux durcis, petites feuilles) est-elle d'origine génétique ou est-ce une forme de M. arvensis modifiée par l'abroutissement ?

Maire a décrit les Moricandia du Hoggar comme une variété de M. arvensis mais en notant que ces populations étaient également proches de M. sinaica, une espèce égyptienne. Les données de la génétique iraient plutôt dans ce sens. Des analyses plus précises sont donc nécessaires !

Traiter arvensis, suffruticosa, spinosa & garamantum comme des espèces différentes nécessiterait de pouvoir les différentier nettement par leur morphologie, ce qui n'est pas le cas. Ce serait peut-être possible par la caryologie et la génétique mais cela nécessiterait des études plus poussées sur un nombre suffisant d'échantillons.